Frédéric Diart "Geistervariationen" (aux vaincus)

Exposition du 11 septembre au 5 octobre 2013
vernissage vendredi 13 septembre à partir de 18h
Télécharger le communiqué

Le travail de Frédéric Diart s’articule sur un principe de mots peints pleinement ou partiellement sur le support et s’exerce dans le rapport étroit qu’il établit entre le mot et la surface peinte, entre des réseaux de sources littéraires ou langagières et leurs engendrements rétiniens, leurs convulsions matérielles.
La méthode employée repose sur l’utilisation de lettre-pochoirs, ou mot- pochoirs, au travers desquels la matière est déposée et circonscrite. Les signifiances entre mot, matière et couleur privilégient l’inapparent et l’éloquence du mutisme. Elles apprennent à accepter et partager, la perte, l’absence et la douleur d’une continuelle dépossession. La matière annonce sa propre défaite et celle des mots ; le langage se disperse, se dilue puis s’agrège en un conglomérat qui est peinture, langage du ravage, de l’irrésolu et de la déliaison, langage hors du mot. Une non verbalisation théophanique.
Frédéric Diart : « J’envisage ma recherche comme la lente manifestation d’un état d’hybridité dont le mode de cristallisation implique un épuisement, un dessaisissement du langage, son démantèlement, pour un « au-delà » du mot. Je ne puis que croire encore et toujours que l’esprit doit, par la voie de l’art, s’approprier et assimiler l’impermanence de l’être afin d’y trouver et partager une fertile et digne inquiétude morale. Là où j’agis est un espace constitué de limites, de marges, de lisières, suscitant des faits picturaux où sont convoqués, dans un mouvement antagoniste, lisibilité et visibilité, dépôt et retrait, surgissement et enfouissement. Là, dans cette zone de porosité, le temps se rend disponible et s’épaissit. Quand je viens à peindre, ce n’est jamais sans la manifestation préalable d’une conscience autre qu’artistique, sans une disposition favorable à habiter le geste pictural d’intentions différentes et disparates, s’entremêlant en de complexes réseaux temporels où le passé s’invite dans un présent inquiet ; je ne peins pas, je traverse le temps. »
Aucune « idée », absolument aucune, ne vient s’inviter dans ce non- lieu, dans cette u-topie, mais des peurs, et le bruissement lointain et incessant de la barbarie. La peinture de Frédéric Diart aborde un champ d’absence et de perte où viennent s’inviter des fantômes, comme un voyage au verso de l’image indistincte, où le présent, mis à mal et mutilé, peut s’élargir et recouvrir les charniers de nos certitudes et de nos hontes. Ces fantômes, ils murmurent et tissent la toile bientôt engluée de renoncements nécessairement incessants, de commencements incessamment re-commencés. Ils donnent aussi à l’exposition son titre et sa dédicace.

Geistervariationen
« Variations sur le thème des esprits », « variations-fantômes » selon certaines traductions... Dernière oeuvre « avant la folie » de Schumann, publiée avant l’internement, elle aurait été dictée par des « esprits », tout à la fois merveilleux et hideux ; en réalité, un trouble temporel, une musique préexistante pour un lied au titre paradoxal « Frühlings Ankunft », « arrivée du printemps », pour une plongée dans l’obscur, la perte, l’aphasie. Ainsi ces mots, auparavant, dans une lettre à Joseph Joachim : « Le noir vient », « Das Schwarz kommt ».

Aux vaincus
Les bannis, les naufragés, les déviants, les rejetés, les délaissés, les dérivants, les martyrs, les abandonnés, les méprisés, les errants, les humiliés, les asservis, les sacrifiés. À ceux qui ont perdu, qui se sont perdus, et dont les frémissements habitent encore l’espace de nos présents.