Alexandra Roussopoulos les châteaux ambulants
exposition du 15 octobre au 4 novembre 2012
Hakima chez Alexandra carte blanche à Catherine Ferbos Nakov du jeudi 25 au samedi 27 octobre
Mon dessein vidéo chantée de Laure Marsac et Alexandra Roussopoulos mardi 30 octobre
texte de Marie Darrieussecq
Carte Blanche à Catherine Ferbos Nakov
faisant dialoguer les oeuvres d’Hakima El Djoudi avec celles d’Alexandra Roussopoulos dans le cadre de l’exposition les châteaux ambulants
accrochage du jeudi 25 au samedi 27 octobre 2012
Présentation par Catherine Ferbos-Nakov lors du vernissage :
D’abord remerciements à Scrawitch et bien sûr à Alexandra qui m’a invitée à réfléchir à une carte blanche.
Il y a des idées qui s’imposent,
Générosité et instinct, ce même instinct qui m’a guidé pour choisir Ce même instinct qui aiguillonne les créateurs, les motive et fait sortir d’eux un autre langage un langage qui à son tour modifie définitivement notre regard ;
Générosité porteuse et créatrice d’Alexandra qui m’invite à mettre en place une carte blanche dans son exposition et ensuite tout se dévide comme un écheveau, aussi rapide qu’une balle. Difficile de mettre
en mot un rebondissement, ce trajet de la balle, ce va et vient qui à la fois vous porte et vous échappe, qui vit en dehors de vous. Partie de ping pong ex aequo.
Même instinct qui a présidé à l’accrochage et qui laisse libre cours à l’imagination du regardeur.
En plus de l’invitation, Alexandra et Hakima nous ont fait un cadeau immense, elles ont su accorder leurs personnalités de façon harmonieuse et chacune a laissé de l’espace à l’autre, vrai cadeau que les artistes se font à elles même et qu’elles nous transmettent !
« Hakima chez Alexandra »
Réunion des œuvres peintes de deux artistes à la pratique tout à fait différente.
Alexandra avant tout peintre : gouache, peinture à l’huile à l’acrylique en plus des lithographies, des formes en bois ou des maquettes ou des assemblages qui pourtant ne sont pas des sculptures, grands châssis organiques posés à même le sol dans l’appartement du Corbusier,
Hakima artiste utilisant différents matériaux pour différents modes d’expression : vidéos, films, enseignes, pliages et utilisant d’abord son ordinateur pour réaliser ses peintures même si elle visualise formes et couleurs avant de les entrer dans l’ordinateur.
Alexandra inspirée par l’architecture ou plutôt dans l’architecture, sujet qui a nourri son enfance, son imaginaire et laisse place aux rêves, structure extérieure.
Hakima nourrie de films et d’ordinateur qui engendre des œuvres très structurées qui pourraient être vues comme des présentations, des maquettes ou des dessins en coupe de projets architecturaux.
Alexandra est aussi enseignante,
Hakima préfère la pratique d’un workshop à l’enseignement plus théorique.
Et puis il y a l’évidence instinctive de la présentation, suivie de l’évidence visuelle de leurs œuvres. Précisément ces approches si différentes donnent lieu à des rapprochements des couleurs, forcent notre regard et nous obligent à percevoir les tensions que cette proximité engendre et modifient le regard même pour le travail de chacune d’elles.
Elles sont si différentes et si complémentaires qu’il n’y a aucun heurt ; seulement l’absolue certitude de la justesse du propos.
Catherine Ferbos-Nakov
Octobre 2012.
Une vidéo chantée de Laure Marsac et Alexandra Roussopoulos (2012, 4mn, couleur)
Paroles : Laure Marsac
Musique : Edgar Ficat
Image : Edwin Broyer
Avec l'aide de Fabrice Hergott, le Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris
et le soutien de Anne Notteghem, Canon France
Projections à la galerie mardi 30 octobre à 18h30 - 19h10 - 19h50 - 20h30 et 21h10
D'Alexandra Roussopoulos je connaissais les "nuages", ces formes rondes, presque sans bord, en tous cas sans contrainte, sans restriction, sans angles. Son nouveau travail introduit de la ligne droite, de la frontière. Et m'incite d'ailleurs à revoir les nuages comme beaucoup plus tenus, plus délimités que dans mon souvenir.
D'ailleurs, étaient-ce des nuages ? Elisabeth Lebovici y voit aussi des flaques, "formes d'en haut et formes d'en bas". Formes qui me font penser aux farces et attrapes de notre enfance, à ces grosses taches d'encre en plastique ou silicone, qu'on posait sur les papiers de nos parents, devant un stylo ouvert. Ensuite, merveille, il suffisait de les décoller pour que la faute disparaisse, pour que la dispute s'éloigne, pour que la sanction laisse place au rire. Merveilleuses taches pour rire, merveilleuses fautes en l'air.
Mais les nuages-flaques d'Alexandra n'ont rien d'une eau noire ou d'une encre. J'en garde une impression de vert tilleul, de bleu ciel, de rose rose, de blanc coquille d'oeuf, peut-être de jaune fluorescent. Dans ses nouvelles toiles et gouaches je vois du noir et du brun, ils sautent aux yeux dans les couleurs claires, ils les soulignent et les interrompent. Des boîtes dépliées, des maisons ouvertes, à plat. Mais aussi des fleurs, comme si les nuages rebourgeonnaient en formes rondes dans la tranchée des plis. Soudain une chaise, et d'autres formes simples, humanoïdes peut-être, pions d'un jeu d'échecs ou petite foule impassible, en attente, prête à se multiplier encore, à se déployer. Un monolithe, ailleurs, se tient en équilibre hors d'un lacis qui m'évoque les méandres de la Loire vus par satellite : la netteté des lignes de l'eau quand elle doit trancher terre et sable, dans une sorte d'affirmation que les courbes ne sont pas floues, qu'il est faux d'associer seulement le rectiligne à la rigueur ; qu'on peut ondoyer droit, en somme.
Rien n'est fermé dans ces quadrilatères. Tout est ouvert et même plus qu'ouvert : étalé, mis à plat. Ouverture maximale de la perspective, éclatement de la troisième dimension : ce que fait toujours la peinture, mais les deux dimensions sont ici comme posément assumées, expliquées au sens d'un dépliement. Du ciel et du sol, on est passé aux maisons, aux volumes, mais aplatis, exposés. Mises au défi d'être planes.
Cette ouverture ne va pas sans angoisse. Volumes grands ouverts sous un ciel écrasant : il y a certes chez Alexandra le Matisse des collages mais aussi, ici, le Chirico des grandes ombres. Alexandra Roussopoulos n'est pas exactement figurative, mais me reviennent des lignes de Luc Tuymans ou même d'Edward Hopper en voyant ses nouvelles peintures. Cette inquiétante familiarité que racontent leurs tableaux à lumière contrastée ; ces ombres noires et longues sous les tours, sous les églises, sous les arches, sous les bâtiments, je les vois ici aussi. Et les ombres très courtes de midi au zénith, quand le ciel dévoré de soleil ne laisse aucune échappatoire.
Je prends un de mes auteurs archi-préférés, Arno Schmidt. Leviathan. Le narrateur sort de sa cellule pour dix minutes seulement : "Soit ; peut-être pourrai-je cette fois-ci trouver quelque chose. Au moins des images nouvelles. Ciel bleu vif et horriblement dépourvu de nuages (plutôt un ciel sans dieux que sans nuages !)"
Au loin s'en vont les nuages, au sol demeurent les flaques, jusqu'à s'évaporer, jusqu'à être absorbées... Chez Alexandra, ils et elles ont les formes que prend l'eau versée sur une table, par ce phénomène si joli qu'on appelle ménisque : l'eau ne se répand pas toute, même sans obstacle ; sur une surface horizontale, elle s'arrête, élève ses propres bords. Ainsi la flaque de mercure présente un haut rebord, quand l'huile glisse et se répand toute. C'est la loi de Young-Dupré - comme nous l'apprend Wikipedia : "Dans une situation de mouillage partiel où le paramètre d'étalement est négatif, la loi de Young-Dupré donne l'expression de l'angle de contact statique d'une goutte liquide déposée sur un substrat solide, en équilibre avec une phase vapeur (...). Cette loi théorique n'est cependant observée qu'avec des solides parfaits."
Alexandra Roussopoulos fait de la mécanique des fluides. Dans cette nouvelle série, elle étudie celle des solides, mais en se souvenant de ce que les fluides en disent : liquéfaction ordonnée des boîtes, solidification organisée des nuages, envol toujours possible des flaques. Attention au décollage - sans qu'on sache s'il s'agit d'une échappée vers le ciel, ou du haut-bas-fragile de boîtes toujours prêtes à s'ouvrir.
Marie Darrieussecq pour Alexandra Roussopoulos